ASSOCIATION ECRIVAINS HUMANISTES DU BENIN

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Note de lecture Sur La Floraison des baobabs de Hilaire Dovonon

La Floraison des baobabs est le titre que portent les douze nouvelles de Hilaire DOVONON. Ce recueil de nouvelles de 269 pages est édité aux Editions d’un Noir si Bleu, et publié en décembre 2006 dans la collection Traverses.

 

Les textes de ce recueil sont tous des récits fantastiques qui nous plongent dans les mystères de l’Afrique. Toutes les actions du recueil se passent en Afrique, dans un village sans nom et sans autre précision sur la localisation géographique. Mais reconnaître l’origine de l’auteur qui est un Africain, de surcroît, un Béninois, nous amène à dire que les évènements du recueil se déroulent dans l’un des villages au Bénin : l’un des pays d’Afrique réputé dans les forces occultes, pays qui est d’ailleurs le berceau du vodoun.

            Ces actions ont toutes un même monde : celui du mystère, qu’elles se déroulent dans la nuit noire ou en plein jour. Toutes les douze nouvelles nous font découvrir l’existence effective et réelle d’un monde invisible avec ses génies, ses esprits malfaisants, ses fantômes, ses êtres particulièrement étranges, dotés d’une certaine puissance surnaturelle.

            En effet, dans la Floraison des baobabs, les êtres étranges de l’invisible sont capables d’élire domicile partout: ils sont soit dans la forêt, dans les rivières, dans les baobabs, dans le secret des couvents et des espaces d’initiation, soit ils apparaissent au grand jour dans le village, cohabiter avec les vivants.

 

Floraison des baobabs présente en vérité, un univers effroyablement mystérieux dont seul Hilaire DOVONON détient le secret. Pas une seule nouvelle où le mystère n’est présent. Pas un seul récit où les phénomènes surnaturels ne se produisent. Les enfants, les hommes et les femmes de jour comme de nuit, sont visités et hantés par des esprits malfaisants qui abusent d’eux. Les héros des récits de ce recueil vivent tous, des évènements surnaturels, terrifiants, angoissants, désagréables et inexplicables. Dans certaines situations étranges, ils luttent de toute leur énergie contre des forces mauvaises qui se déchaînent. La fin est parfois malheureuse (la mort, les maladies…) ou heureuse (les héros s’en sortent indemnes), mais dans ce cas, les forces surnaturelles peuvent réapparaître à tout moment. Il arrive même que le héros ou le narrateur doute : était-ce une illusion, un mauvais rêve, ou réellement des forces surnaturelles ? Souvent, il reste une marque (un objet, une blessure…) qui prouve que l’aventure n’a été ni un rêve ni une illusion. C’est le cas dans la dernière nouvelle intitulée :"Reflets de coquillages".

Chose extraordinairement étrange, c’est qu’on assiste à un spectacle désolant où des morts, déjà enterrés, ressuscitent, soit pour persécuter les humains, soit pour reconstruire leur vie avec des femmes. En témoigne la première nouvelle "le père". Tel est l’univers étrange, angoissant, caractérisé par la peur, la terreur et l’horreur dans lequel Hilaire DOVONON installe ses personnages.

            La Floraison des baobabs est une véritable peinture du monde invisible africain. C’est une révélation des réalités spirituelles du monde invisible en Afrique. Ce monde où les morts, même enterrés, ne sont pas morts ; ce monde où les esprits malfaisants, les génies, les êtres étranges détiennent des forces surnaturelles pour manipuler les humains. Mieux, c’est un rappel de ce que nous sommes en Afrique sur le plan mystique. Ce plan où, les génies et les fétiches, dans les temps anciens, régentaient les sociétés africaines avec la complicité des sorciers. La preuve est que, même de nos jours, on apprend que des mauvais esprits auraient pris des formes humaines ou animales pendant les nuits pour tenir des rapports sexuels avec des femmes. On entend aussi que certains fantômes apparaissent pour perturber leurs familles. Au Bénin, ces esprits sont presque permanents dans certains villages où ils persécutent les humains. Et c’est ce qui justifie parfois des exorcismes de certains lieux afin de mettre ces mauvais esprits hors d’état de nuire.

            En définitive, la Floraison des baobabs, tel que présenté par Hilaire DOVONON, est un miroir dans lequel les initiés et les gardiens des traditions et croyances africaines se retrouveraient très facilement. C’est un monde réel qui ne laisserait aucun Africain indifférent. Dans ce recueil, c’est l’âme de l’Afrique qui parle. Mieux, c’est l’Afrique où se croisent et cohabitent les vivants et les morts, le réel et le surnaturel, la vie et la nuit. C’est l’Afrique avec ses nuits chargées de mille et un  mystères que  Hilaire DOVONON a pu décrire dans un style charmant et élégant qui dénote d’une certaine assurance dans la manipulation de la langue française. Pour restituer la saveur de ses récits fantastiques, il utilise comme armes la comparaison, le vers libre, l’anaphore et l’itération qu’il manie avec une dextérité remarquable. On a du plaisir à le lire et tous les récits de son œuvre correspondent parfaitement aux réalités spirituelles et socio-cultuelles du monde invisible traditionnel africain. Ces textes indiquent et précisent clairement à tout lecteur, les tourments et les humiliations auxquels les esprits en dérive soumettent les humains. On se demande si Hilaire DOVONON n’est pas lui aussi un initié du monde des esprits. Car, rien ne lui échappe pour rendre fabuleuses, merveilleuses et mystérieuses ses imaginations. Même les chiffres impairs trois, sept, neuf et quarante et un qui interviennent dans les sacrifices spéciaux, foisonnent dans son œuvre. Mais ce qui laisse à désirer dans l’œuvre de Hilaire DOVONON est qu’il donne l’impression d’ignorer l’existence de Dieu tout puissant, créateur du ciel et de la terre. Dans son univers mystique, il ne connaît que les forces occultes auxquelles il accorde trop de crédit. Pour lui, la puissance de Dieu ne compte guère. Même la seule fois où il a invoqué Dieu dans sa dixième nouvelle intitulée :"Maman était déclarée morte", il a encore tôt fait de vouer la puissance divine à l’échec. Il ignore que tous ces esprits malfaisants peuvent être vaincus par la puissance de Dieu, qui est au-dessus de tout pouvoir ; et qu’en réalité, ils n’ont d’influence et de pouvoir que sur les humains à l’esprit faible qui, croient en eux et qui entretiennent des liens avec eux.

            Hilaire DOVONON aurait pu dans ces récits mettre en jeu la puissance de Dieu qu’il verrait que tous ces esprits qui taquinent ses personnages seraient efficacement combattus et mis en déroute, grâce à l’invocation de Dieu et à la prière. Seules, la foi en Dieu et la prière, peuvent combattre efficacement les esprits du monde invisible de  Hilaire DOVONON.

En clair, l’invisible dépeint par Hilaire DOVONON est un monde de divinités, de fétiches, de la magie et de la sorcellerie, où les esprits tout puissants imposent impunément leur loi aux humains. Et comme l’on doit s’y attendre, le titre du recueil : La Floraison des baobabs ne peut traduire rien d’autre que la victoire et la suprématie des esprits en dérive sur les humains.

 

                                                                        

                                                                             Cotonou, le 16 juin 2012

                                                                                                     

                                                                                 Robert C. ASDE

 

                                                      Technicien Supérieur d’Action Culturelle

 

 



25/07/2012
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